Conseiller Pôle emploi depuis 2006, Yann Gaudin a été licencié début juillet pour avoir aidé des allocataires, notamment des intermittents et des précaires, à « récupérer un préjudice financier d’environ 200 000 euros ».
Ce lanceur d’alertes, qui publie sur son blog Médiapart « Pôle emploi, le droit de savoir » des conseils à destination des privés d’emploi, explique avoir découvert « de vraies anomalies couvertes par une chaîne de décideurs, par exemple des salaires exclus automatiquement par le système de calcul des allocations chômage ». Ainsi que des informations « sur les droits des allocataires que l’on donne très peu, voire quasiment jamais aux intéressés ».
Dès 2014, le conseiller prend le problème à bras le corps : il envoie 8 000 mails pour informer les intermittents en fin de droits qu’ils peuvent prétendre à une aide de solidarité (ASS) – laquelle ne leur est jamais proposée.
En 2015, il permet à un graphiste de récupérer 20 000 euros, en s’appuyant sur une instruction nationale établissant que les artistes-auteurs n’ont pas à déclarer leur revenu à Pôle emploi. C’est le début d’une période conflictuelle avec sa direction, qui ne voit pas d’un bon œil les initiatives du conseiller. « Son excellent travail nous a souvent permis de mieux comprendre la complexité de notre statut et de l’accès à nos droits ; à travers ses conseils personnalisés, ses réponses rapides, enthousiastes et pertinentes, ses messages et newsletters adressés aux professionnels de son secteur tout comme de par ses nombreux articles sur le blog de Mediapart, nous estimons que son travail a été précieux pour la réalisation et la continuité de nos carrières professionnelles », ont déclaré des intermittents, dans une pétition en ligne qui a déjà récolté près de 7 500 signatures.
Le conseiller a aussi reçu le soutien et les témoignages de nombreux collègues, comme il le confie à Médiapart : « Des collègues m’écrivent car ils sont en souffrance. Ils ont un sentiment de clandestinité quand ils passent du temps sur le dossier d’une personne pour l’informer de droits que Pôle emploi voudraient lui cacher. Car derrière, il y a des risques de représailles, de pénalités en matière de prime annuelle, et pour leur carrière. »
Désormais, le conseiller licencié continue à répondre aux sollicitations des privés d’emploi en difficulté, tout en préparant sa défense aux Prud’hommes.
Cette affaire n’est pas sans rappeler celle d’Anthony Smith, inspecteur du travail et militant CGT, aussi sanctionné pour avoir mené à bien sa mission. Mardi 21 juillet 2020, il était convoqué devant une commission disciplinaire de l’inspection du travail, après trois mois de mise à pieds.
Son tort : avoir exigé d’une association d’aide à domicile de Reims, l’Aradopa, la mise en place d’un certain nombre de mesures de précaution sanitaire dont la fourniture de masques FFP2, et être passé outre « des instructions de l’autorité centrale du système d’inspection du travail concernant l’action de l’inspection durant l’épidémie de Covid-19 », selon le ministère du Travail.
« Cette mise à pied et cet acharnement sont facilités par le fait que les droits ici bafoués qu’Anthony Smith a cherché à rétablir dans le cadre de ses missions d’inspecteur du travail, l’ont été à l’endroit de femmes travailleuses précaires, invisibles et dévalorisées socialement », ont déclaré dans une tribune des travailleuses sociales, intellectuelles et militants CGT.
Anthony Smith n’a fait qu’accomplir sa mission de contrôle du respect de la réglementation du travail, dans les circonstances particulièrement difficiles qui étaient celles des premières semaines de la crise sanitaire, et malgré les pressions qu’il a eu à subir.
La CGT demande l’abandon de toute poursuite disciplinaire et la réintégration d’Anthony Smith.
Après 136 jours de suspension et la tenue d’un conseil de discipline le 21 juillet dernier, la ministre du travail Elisabeth Borne vient de notifier à notre collègue et camarade Anthony Smith une sanction de déplacement d’office (sans que la nature du déplacement ne soit précisé).
Rappelons que, dans cette affaire, Anthony était suspendu depuis le 15 avril 2020 pour avoir exigé la mise à disposition d’équipements de protection individuelle (notamment des masques) et la mise en œuvre de mesures de protection contre la Covid-19 au bénéfice de salariées d’une association d’aide à domicile du bassin rémois.
En revanche, sa hiérarchie n’a fait l’objet d’aucune enquête, mesure de suspension ou sanction alors qu’elle a manifestement relayé et encouragé les pressions exercées par l’employeur !
C’est dans ce contexte surréaliste, alors que l’administration du travail est en pleine déroute, qu’intervient cette lourde sanction qui constitue le franchissement d’un nouveau seuil dans la fuite en avant répressive dans laquelle le ministère du travail s’est engagé.
Derrière cette attaque contre Anthony, c’est une nouvelle fois, et encore plus brutalement, l’indépendance de l’inspection du travail qui est visée.
Nous exigeons le retrait de cette sanction particulièrement injuste. Tout comme nous avons contesté devant le juge du fond la décision de suspension, nous serons au côté d’Anthony pour la contester, devant le tribunal administratif.
Mais surtout, durant ces trois mois, malgré la pandémie, puis la période estivale, le soutien à Anthony, est resté massif et solidaire. A l’appel de l’intersyndicale CGT- SUD-FSU-FO-CNT du ministère et du comité de soutien national, 500 personnes étaient encore présentes le 21 juillet dernier à Paris et des centaines d’autres étaient rassemblées en province à l’occasion du conseil de discipline. La pétition nationale de soutien a déjà recueilli à ce jour près de 150 000 signatures ; un appel public a été massivement signé par plus de 1300 collègues d’Anthony ; des centaines de motions de soutien d’organisations et un appel publié dans la presse réunissant plus de 150 personnalités sont également venus soutenir la mobilisation.
La bataille, quant à elle, n’est pas finie. Nous appelons toutes et tous les collègues présent-e-s dans les services en cette période de congés à se rassembler et à interpeller la hiérarchie pour manifester leur refus de cette sanction inique. Préparons dès maintenant une rentrée sociale de luttes !