AMPLIFIONS NOTRE MOBILISATION, TOUTES ET TOUS EN GREVE LE 10 NOVEMBRE !

Les journées de grève des 29 septembre, des 18 et 27 octobre – dans un cadre interprofessionnel -manifestent une colère sociale qui ne cesse de croître et se traduisent par une remontée des mobilisations dans tous les secteurs. C’est tout le monde du travail, y compris à Pôle emploi, qui est concerné par les reculs sociaux et l’austérité imposés par le gouvernement.

Pour lire le communiqué CGT Pôle emploi Grand Est, cliquer ici

Réforme du travail: ce que prépare Macron

Le chef de l’Etat souhaite « au retour de l’été » un vaste texte de loi visant à réformer le travail, pour répondre aux problèmes de recrutement des entreprises et parvenir au plein emploi d’ici la fin du quinquennat. Cette réforme concernerait notamment l’assurance chômage, Pôle emploi, le RSA et les lycées professionnels.

La réforme du Code du travail avait ouvert le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Pour le second, place désormais à la réforme du travail. C’est ce qu’a annoncé le chef de l’Etat lors de son interview télévisée pour le 14 juillet , marquant une accélération surprise du calendrier.

« Au retour de l’été, après discussions avec les partenaires sociaux, le gouvernement va soumettre un texte », a expliqué Emmanuel Macron, précisant : « C’est un tout, car il y a la réforme de l’assurance-chômage, la valorisation des acquis de l’expérience, la qualification ». Il a évoqué également la réforme du lycée professionnel et de l’apprentissage, l’emploi des seniors et la création de France Travail.

Objectif : répondre aux problèmes de recrutement des entreprises et parvenir au plein-emploi d’ici à la fin du quinquennat, soit un taux de chômage à environ 5 % contre 7,4 % actuellement.

· Assurance-chômage : coller les règles d’indemnisation à la conjoncture

Alors que l’exécutif a repris la main il y a trois ans sur le régime d’assurance-chômage et durci les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi, Emmanuel Macron estime qu’« il faut aller plus loin. »
Il n’y a pas aujourd’hui un endroit en France où les gens ne nous disent pas : « J’ai besoin de travail, je cherche des gens pour travailler » ». « Il m’est arrivé parfois (…) de dire qu’il fallait traverser la rue » pour trouver du travail, « c’est encore plus vrai » aujourd’hui, a-t-il insisté. Interrogé sur ceux qui refuseraient des emplois jugés durs et mal payés, « s’ils peuvent aller vers un autre métier, je l’entends très bien », mais « si derrière, la réponse c’est : « Je vais bénéficier de la solidarité nationale pour réfléchir à ma vie », j’ai du mal à l’entendre parce que cette solidarité nationale, c’est ceux qui bossent qui la payent », a-t-il tranché.

· Assurance-chômage : revoir la gouvernance de l’Unédic

La réforme du travail devrait aussi aborder la question de la gouvernance du régime d’assurance-chômage, que l’Etat a reprise aux partenaires sociaux en 2019. Un sujet qui figurait déjà au programme de Jean Castex, le prédécesseur d’Elisabeth Borne, mais qui n’a pas pu démarrer faute de temps.
Plusieurs travaux ont été menés pour dessiner ce que pourrait être cette nouvelle gouvernance de l’Unédic. Le Medef a théorisé un système à deux étages, l’un à la main de l’Etat pour définir un socle de droits pour les chômeurs, le second géré par les partenaires sociaux.
Dans un rapport qui a fait un peu de bruit, le Conseil d’analyse économique a poussé le bouchon jusqu’à prôner l’Etatisation du régime, sous contrôle parlementaire.

· RSA : AMELIORER L’INSERTION DES BENEFICIAIRES

Une réforme du revenu de solidarité active (RSA) – une autre promesse de campagne d’Emmanuel Macron – figurera, elle aussi, dans la future réforme du travail. Le chef de l’Etat a insisté, le 14 juillet, à la fois sur la nécessité pour la collectivité publique d’accompagner tout bénéficiaire, y compris sur des problèmes de déplacements ou de logement, mais aussi sur le fait que chaque bénéficiaire doit « faire sa partie ». C’était « au coeur du RMI » quand Michel Rocard l’a créé en 1988, a-t-il souligné.
« Verser une allocation ne suffit pas […] Ce que nous voulons, c’est que chacun s’en sorte et retrouve sa dignité grâce au travail », a déclaré la Première ministre, début juillet lors de son discours de politique générale. A l’image de ce qui a été mis en place avec le contrat d’engagement jeune (CEJ) pour les moins de 26 ans.
Pour y parvenir, Elisabeth Borne envisage d’en passer d’abord par une expérimentation à l’automne dans plusieurs départements, puis de généraliser le dispositif début 2024, selon les informations des « Echos ».
Dans chaque département retenu, tous les allocataires du RSA bénéficieraient d’une phase de diagnostic-orientation unifiée. Tous les acteurs chargés de les aider partageraient un logiciel de suivi commun. Les départements tests disposeraient d’une marge de manoeuvre pour définir le nombre d’heures d’activités hebdomadaires selon les profils des allocataires ou les contextes locaux. Idem pour l’échelle des sanctions en cas de manquement aux obligations.

· FRANCE TRAVAIL POUR RASSEMBLER TOUS LES OPERATEURS QUI AIDENT LES CHOMEURS.

Né fin 2008 de la fusion de l’ANPE et de l’Assedic, Pôle emploi, le navire amiral du service public de l’emploi, doit devenir « France travail », a promis Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Le projet va bien plus loin qu’un changement de nom, puisqu’il s’agit de constituer des instances locales, décisionnaires, rassemblant tous les acteurs qui oeuvrent en faveur de ceux qui sont privés d’emploi.
Aux yeux du chef de l’Etat, tout ce qui concourt à accompagner les chômeurs – aide à la reprise d’emploi, indemnisation, formation ou levée des freins dits « périphériques » comme le logement – reste trop dispersé entre Pôle emploi, les missions locales, les conseils régionaux, départementaux, les communes, Cap emploi (pour les handicapés) et les associations. « Il faut un lieu unique, plus simple, où sont réunies toutes les compétences, pour aider le demandeur d’emploi à faire un bilan de compétences, trouver une formation et un accompagnement vers le travail », estime-t-il.

· MIEUX ORIENTER ET REFORMER LES LYCEES PROFESSIONNELS.

Le plein-emploi passera aussi par une réforme de l’orientation, dès le secondaire avec les régions jusqu’à l’université en passant par les lycées professionnels. « Grâce à cela, les prochaines années nous pourrons former 1 million de jeunes dans les métiers d’avenir, dont la moitié dans le numérique », a promis Elisabeth Borne.
En mars, pour son premier discours officiel de campagne à Poissy, Emmanuel Macron avait donné le ton : « Nous devons réformer le lycée professionnel sur le modèle de ce qu’on a fait pour l’apprentissage ». Le chef de l’Etat avait alors indiqué vouloir « un partenariat beaucoup plus étroit avec les entreprises » et des lycéens professionnels « rémunérés pour leur temps d’entreprise comme le sont les apprentis ». Il y a « trop de jeunes qui sortent avec un diplôme mais pas d’emploi », avait souligné Emmanuel Macron. « On laisse vivre trop de filières où il n’y a quasiment pas de débouchés ».
Dans le gouvernement d’Elisabeth Borne a été créé un poste de ministre chargé de l’Enseignement et de la Formation professionnels sous double tutelle, celle des ministres du Travail et de l’Education nationale. C’est Carole Grandjean, macroniste de la première heure jusqu’ici députée LREM de Meurthe-et-Moselle, membre de la commission des Affaires sociales, et ex-responsable ressources humaines chez Elior, qui en a hérité.

· ALLONGER LA DUREE DE VIE TRAVAILLEE.

Pour continuer à financer le modèle social français, qu’il dit très « généreux » par rapport aux autres pays du monde, Emmanuel Macron a répété, le 14 juillet, qu’il « fallait travailler plus et plus longtemps ». Dans son programme de campagne, le chef d’Etat s’était donné comme objectif de décaler l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans d’ici à 2030, avant d’assouplir sa position juste avant le deuxième tour de la présidentielle.
Plusieurs axes sont à l’étude. Emmanuel Macron a dit vouloir « améliorer la qualité du travail, améliorer le travail des séniors et travailler plus longtemps en tenant compte des carrières longues et de la pénibilité du travail ».
« La discussion doit commencer à la rentrée », d’abord dans un cadre « stratégique et général avec toutes les forces vives de la Nation », puis à travers « un travail avec les forces syndicales et patronales » et enfin « avec les forces politiques au Parlement » pour que « dès l’été 2023 on ait une première entrée en vigueur », a-t-il indiqué.

(Source: Les Echos)

La Droite ose vraiment tout !

En cette période de canicule et de congés d’été, qui pousse naturellement à la détente et au lâcher-prise, on a tendance (voire même envie…) de porter moins d’attention à l’actualité, d’autant qu’elle n’est pas réjouissante…

Pourtant, les débats qui se sont tenus à l’assemblée nationale et au sénat avant les vacances parlementaires,  ainsi que les petites phrases et provocations politiques qui ont suivi, ont été riches d’enseignements : la droite ose vraiment tout, on le savait déjà ; mais cette fois-ci elle se surpasse.

Les débats, les articles et amendements acceptés autours notamment de la loi « pouvoir d’achat » sont édifiants et révèlent aux plus naïfs de nos concitoyens, au-delà des discours électoralistes, le vrai visage des partis de droite.

En guise d’exemple, et sans rentrer dans les détails, la droite a refusé d’augmenter les salaires et le smic (Le RN explique même « qu’augmenter le smic n’est pas rendre service aux travailleurs » …), l’allocation de rentrée scolaire a été augmenté (150 euros) mais ne concerne plus que les travailleurs à bas salaire, les personnes sans emploi ne percevront plus cette aide (pour « privilégier la valeur travail » selon la droite…).

Dans le même temps, la droite a refusé de taxer les super profits d’entreprises françaises qui ont doublé voire triplé leurs bénéfices, sans travailler davantage puisqu’elles se sont contenté sans aucun scrupule de profiter de la crise, de la situation internationale, et de la pauvreté qui en découle… et s’organisent même pour ne pas payer d’impôts en France (Total, Renault…) !

Evidemment, ces prises de positions très clivantes qui, en réalité, sont l’ADN même de la droite (tout pour les riches, rien pour les pauvres, ou des miettes à la rigueur…) ont suscité des polémiques dont les médias se sont emparé.

Face aux critiques, et dans un contexte dans lequel le système capitaliste est de plus en plus remis en question (crise économique, crise Covid, crise environnementale…), la droite est montée aux créneaux pour défendre ses positions. Et comme « la meilleure défense, c’est l’attaque » elle s’est empressée d’allumer un contre-feu avec l’argumentaire habituel, bâché et rabâché, qui tient de la manie, de l’obsession, et même du réflexe de Pavlov : dénoncer les fraudes et les abus de nos concitoyens (surtout les plus précaires…) et ce que cela coûte au contribuable et à la France…
Les chiffres les plus fantaisistes sont balancés dans les médias : par exemple, certains politiques de droite vont jusqu’à affirmer que 7 millions de cartes vitales frauduleuses seraient utilisées pour percevoir des allocations… alors qu’il suffit d’appeler la direction de la Sécurité Sociale (ce qu’ont fait la semaine dernière des journalistes de France Info) pour constater qu’il n’existe aujourd’hui qu’environ 3000 cartes vitales surnuméraires (pour un pays de 67 millions d’habitants…), dont l’essentiel selon la Sécurité Sociale ne sont pas utilisées frauduleusement et correspondent à des bugs ou des erreurs de mise à jour (n’empêche la carte vitale biométrique, qui coûtera pour le coup un pognon de dingue, va être mise en place…)

Malheureusement, grâce au fidèle relai de certains médias, et par le jeu de la psychologie et des comportements humains (méconnaissance ou désintérêt pour les mécanismes économiques et sociaux, individualisme, jalousie, besoin de boucs émissaires, etc.) les sornettes colportées par la droite trouvent un certain écho, voire un écho certain, dans la population.
C’est pourquoi il est indispensable que nous puissions rétablir la vérité, de façon factuelle, dès que nous en avons l’occasion.
Pour cela, quelques faits et quelques chiffres :

  • Selon un rapport de la Cour des Comptes, la fraude sociale des entreprises (travail dissimulé, travailleurs détachés, heures non déclarées, etc.) explose (elle a doublé depuis 2007 !) pour se chiffrer aujourd’hui à plus de 20 milliards d’euros par an, avec un taux de recouvrement de seulement 1,5% ! Sans compter l’évasion fiscale estimée à 60 milliards d’euros par an dans l’estimation la plus optimiste…
  • En comparaison, la fraude des particuliers aux prestations sociales toutes confondues (tant stigmatisée dans le but de faire diversion) ne représente que 4 milliards d’euros par an, argent en grande partie récupéré puisque le taux de recouvrement est de 90% (plus facile d’envoyer l’huissier chez un gueux que chez un notable…)
  • Nous entendons souvent ce lieu commun, accusateur et irritant, qui consiste à dire que les aides sociales coûtent un « pognon de dingue » et font l’objet de nombreux abus. Mais personne ne dit que chaque année 10 milliards d’euros d’aide ne sont pas réclamés par leurs bénéficiaires potentiels (notamment aides au logement et RSA) pour de multiples raisons (méconnaissance, complexité des démarches, honte…).

En dépit du faible taux de fraude émanant des particuliers (dont, rappelons-le, 90% est récupéré suite à des procédures de recouvrement…) le gouvernement déploie tout un arsenal de mesures destinées à fliquer les usagers : à titre d’exemple, en 2021 les parlementaires ont voté, sur proposition du gouvernement, un amendement donnant la possibilité à Pôle emploi d’accéder aux informations contenues dans le fichier Ficovie qui recense tous les contrats d’assurance-vie et de capitalisation souscrits auprès d’organismes d’assurance français.

Non seulement la fraude évoquée par la droite est très surévaluée et ne correspond pas à la réalité, mais parfois ce sont les usagers qui font les frais des dysfonctionnements du système :

  • Concernant les pensions retraites, selon la Cour des comptes un dossier sur sept serait l’objet d’une erreur de calcul, la plupart du temps au détriment du retraité. Des déclarations erronées de la part des employeurs, un nombre de trimestres mal pris en compte ou encore une mauvaise prise en compte des ressources avant l’attribution du minimum vieillesse et des pensions de réversion peuvent être à l’origine de ces dysfonctionnements. La Cour des comptes estime le montant de ces erreurs à environ 70 millions d’euros sur les 5,8 milliards d’euros de prestations attribuées en 2021 (des moyens et des effectifs supplémentaires donnés à l’Assurance retraite permettrait de corriger cela…)
  • Rappelons également qu’un de nos collègues, Yann Gaudin, conseiller au Pôle emploi de Rennes, a été licencié pour faute grave, mais en réalité pour avoir simplement fait son travail : il avait découvert des anomalies dans des calculs de droits et avait permis à des chômeurs précaires de récupérer un préjudice financier d’environ 200 000 euros !

Ces réalité factuelles et chiffrées de façon officielle doivent nous imprégner et nous permettre, à chaque fois que possible, de rétablir la vérité lorsque nous sommes confrontés à des contre-vérités. C’est important car le travail de sape entrepris à dessein par la droite ultra-libérale vise à :

  • Détourner l’attention en dénonçant des fraudes, des abus, et le « pognon de dingue » ainsi perdu, dans le seul but de faire oublier le pognon de dingue que les plus riches gagnent sur le dos des pauvres, détournent des impôts, et finalement volent à notre pays.
  • Détruire le système de protection sociale par tous les moyens (principes fondateurs, financement…) y compris celui consistant à recevoir l’assentiment des citoyens en leur faisant croire que ce système est l’objet de fraudes tellement massives qu’il faut en changer.

Pour accéder à la version tract, cliquer ici

La CGT Pôle emploi a rencontré le ministre du travail

Lundi 27 juin, la CGT Pole emploi a interpellé le Ministre du Travail qui visitait l’agence Paris Cardinet en compagnie du Directeur Général. Refusant d’ouvrir le dialogue sur place, il nous a proposé une rencontre avec son cabinet que nous avons acceptée et qui s’est tenue jeudi 30 juin. L’occasion de le questionner sur les sujets qui inquiètent fortement les personnels de Pôle emploi, et de porter nos revendications…

Vous trouverez le compte rendu de cette rencontre en cliquant ici

Le gouvernement durcit encore le contrôle des chômeurs

Pôle emploi expérimente un nouveau dispositif, intitulé « Journal de la recherche d’emploi ». Il instaure un contrôle accru des chômeurs. Et risque d’aggraver les conditions de travail des conseillers.

« Quel est votre sentiment de progression dans votre recherche d’emploi ? » À cette question qui s’affiche sur son interface, une personne inscrite à Pôle emploi doit répondre en choisissant un type de smiley… « Les demandeurs d’emploi doivent déplacer un curseur sur une réglette qui va d’un smiley tout sourire à un smiley qui boude », détaille Aline, conseillère Pôle emploi en Bourgogne-Franche-Comté. Cocher la réglette à smileys n’est pas la seule tâche qui incombe aux demandeurs d’emploi, chaque mois, au moment de leur actualisation. Ils sont aussi tenus de remplir leur agenda intelligent qui les oblige à tenir le compte-rendu détaillé de leurs démarches : candidatures envoyées, employeurs contactés, formations suivies, projets de reconversion envisagés, etc.

À l’autre bout du logiciel, sur l’interface des conseillers, un algorithme classe le demandeur d’emploi, en fonction de ses réponses, en quatre catégories. Elles sont censées déterminer son état d’esprit face à la recherche d’emploi : « signes de perte de confiance », « risque de dispersion », « besoin de redynamisation », « dynamique faible de recherche ». « En ce moment, 51 % des demandeurs que j’accompagne sont dans la case « dynamique faible de recherche d’emploi », rapporte Aline. Je suis censée les contacter en premier lieu pour faire le point avec eux ; et leur demander : « Bon, est-ce que, vraiment, vous cherchez un emploi ? » Il s’agit de prouver que l’on mérite d’être au chômage. Ce sont vraiment des démarches très insidieuses. »

Ces démarches « insidieuses » sont réalisées dans le cadre d’un projet pilote, le « Journal de la recherche d’emploi » (ou JRE). Il est déployé à titre expérimental depuis deux ans dans deux régions, Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val de Loire. Et un demi-million de demandeurs d’emploi sont invités à s’y plier. Le JRE ne devrait pas tarder à être étendu à l’ensemble du territoire.

Quid de la fracture numérique

Pour les demandeurs d’emploi, qui doivent mensuellement actualiser leur dossier, « la démarche, qui durait 10 secondes, va passer à 10 minutes, si rien ne bugue, souligne Aline. Bien sûr, la tâche se complique pour les personnes qui ne sont pas familières du web. » Contrairement à ce que semblent penser les ministres et hauts fonctionnaires de notre « start up nation », nombre de personne ont de réelles difficultés avec le monde dématérialisé, voire n’y ont pas accès du tout. Selon une récente alerte de la Défenseure des droits Claire Hédon, 60 % des démarches administratives en ligne restent par exemple inaccessibles aux personnes en situation de handicap. Un rapport publié en 2019 par son prédécesseur Jacques Toubon soulignait déjà ces inégalités numériques, livrant des chiffres effrayants : un tiers des Français qui s’estime peu ou pas compétent pour utiliser un ordinateur, soit 18 millions de personnes ; un taux de connexion à internet variant de 54 % pour les non diplômés à 94 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur.

« On ne peut pas résumer un demandeur d’emploi à une série de chiffres et de graphiques »

« Tout est suivi, staté, résumé par des chiffres et des graphiques mais on ne peut pas résumer un demandeur d’emploi à une série de chiffres et de graphiques », s’insurgent des conseillers. « La machine ne voit pas si les personnes maîtrisent bien le français, si elles ont fait un burn out, si elles ont un handicap ou un problème psy quelconque », remarque Aline. « Les gens qui arrivent devant nous sont parfois très cabossés, en grande difficulté », ajoute Gilles, conseiller depuis 30 ans. Il repense à cette jeune maman de 18 ans, abandonnée par le père de son enfant et qui se débattait seule pour survivre. « Elle avait davantage besoin d’un accompagnement social que de pressions pour retrouver au plus vite un boulot. » Ou d’une évaluation algorithmique la catégorisant parmi la « dynamique faible de recherche ».

« Aujourd’hui, on est au service des objectifs que se fixe le gouvernement en terme de diminution du nombre de chômeurs, constate Gilles. En fait, les demandeurs d’emploi doivent être à notre service, c’est le monde à l’envers. On doit les inciter à prendre des emplois dans les fameux secteurs « en tension » qui obsèdent le gouvernement. Mais il faut savoir que ces secteurs « en tension » ne représentent que 6 % des offres. C’est rien du tout. »

Plus que la paresse des demandeurs d’emploi, suggérée à longueur de temps, ce sont les conditions de travail très éprouvantes de ces secteurs – hôtellerie et restauration notamment – qui freinent les recrutements, ainsi que… la dernière réforme de l’assurance chômage, menée par Elisabeth Borne, devenue Première ministre. « L’hôtellerie-restauration fait n’importe quoi depuis 30 ans, c’est une réalité, décrit Gilles. L’autre problème, dont personne ne parle jamais, c’est la réforme du chômage. Les gens ne sont pas bêtes. Ils ont bien compris que pour les CDD, les saisonniers et les personnes en intérim, ce serait de plus en plus compliqué d’avoir des allocations entre deux missions. Or, la restauration et l’hôtellerie proposent essentiellement ce type de contrats. Résultat ? Les gens vont voir ailleurs. Et ce n’est pas le JRE qui va y changer quoi que ce soit. »

« Nous sommes pistés, notés, surveillés. Nous avons des indicateurs de radiations »

Avec le JRE, « il s’agit de personnaliser davantage l’accompagnement, de détecter les demandeurs d’emploi découragés ou en situation de fragilité dans leur recherche d’emploi et de renforcer l’accompagnement si nécessaire », promet un document interne de Pôle emploi. « C’est juste un moyen pour contrôler encore plus les chômeurs, pensent plutôt les conseillers Pôle emploi. Pour le moment, il n’y a pas de radiation automatique liée à tel ou tel comportement répertorié via le JRE. Évidemment, ceux qui sont considérés comme peu dynamiques dans leur recherche sont plus susceptibles que les autres d’être contrôlés. » « On avait déjà l’impression d’être des flics depuis la mise en place du contrôle de la recherche d’emploi (CRE), mais là c’est encore pire, déplore Aline. Comment maintenir une relation de confiance avec les gens dans ces conditions ? Or, sans confiance, nous ne pouvons pas travailler. »

Le JRE risque d’aggraver la perte de sens que les agents Pôle emploi dénoncent depuis des années. « Nous devons centrer nos entretiens sur ce que nous dicte la machine. Il faut qu’on débranche notre cerveau. Que l’on oublie ce que l’on sait, pour obéir », pense Aline qui dit se trouver dans une « posture difficile », avec une direction qui met de plus en plus la pression. « Nous sommes pistés, notés, surveillés. Nous avons des indicateurs de radiations. S’ils ne sont pas assez élevés, on nous le fait remarquer. Parfois, je me sens vraiment désespérée. Je ne sais plus quoi faire, dit-elle. Heureusement que je peux avoir des échanges avec d’autres collègues au sein du syndicat, sinon, je ne crois pas que je tiendrais le coup. »

« J’ai 61 ans, j’ai de la bouteille et je ne me sens absolument pas lié aux objectifs de la maison, enchaîne Gilles, qui constate néanmoins que ses marges d’autonomie se réduisent. Si les personnes que j’accompagne manquent un rendez-vous, je dis que je les ai vus pour qu’ils ne soient pas radiés ou qu’ils ne fassent pas l’objet d’un contrôle. Et je ne prescris pas d’atelier s’ils n’ont pas de sens pour les gens que j’accompagne. Mais tout le monde ne peut pas, ou ne veut pas, procéder comme moi. Les plus jeunes qui arrivent ont tendance à obéir, point. »

Au guichet, les conditions de travail ne vont pas s’améliorer dans les mois et années à venir. Les effets de la dernière réforme de l’assurance chômage vont se faire sentir de plus en plus au fil du temps. « Certaines personnes vont voir leurs allocations diminuer de 40 %. C’est énorme, insiste Gilles. On a des collègues pour qui cela devient infernal, avec des tensions importantes à l’accueil et des arrêts maladies qui se multiplient. » Entrés à Pôle emploi pour soutenir et accompagner des personnes en difficulté, Gilles se dit scandalisé et effrayé par les réformes et dispositifs divers qui sont mis en place depuis 15 ans : « On se dirige de plus en plus vers un système à l’anglaise, avec des demandeurs d’emploi qui doivent être au garde-à-vous ! »

Source: Basta! média

 

 

Le Conseil d’Analyse Economique préconise la mise en concurrence de Pôle emploi

Le Conseil d’Analyse Economique (CAE) est une instance consultative composée d’économistes à obédience libérale voire ultra-libérale, rattachée aux services du Premier ministre et qui conseille ce dernier. Le CAE fait partie du réseau France Stratégie qui a pour objectif de concourir à la détermination des grandes orientations pour l’avenir de la nation et des objectifs à moyen et long terme de son développement économique, social, culturel et environnemental.

Dans la droite ligne du rapport CAP2022 rendu en 2018 (voir l’article que nous lui avions consacré : https://cgtpegrandest.reference-syndicale.fr/a-la-une/cap-22-la-casse-des-services-publics-et-de-pole-emploi/ ), le CAE a rendu le 14 mars 2022 un rapport dans lequel il préconise une externalisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi vers des prestataires privés. Le CAE estime que Pôle emploi n’a pas les capacités nécessaires pour accompagner tous les chômeurs. En conséquence, il préconise que des prestataires privés agréés puissent avoir accès aux fichiers de Pôle emploi et contacter des demandeurs d’emploi directement.

Par ailleurs, le CAE estime que les entreprises ne disposent pas d’informations suffisamment claires de la part de Pôle emploi sur les caractéristiques du marché de l’emploi. Pour optimiser la rencontre entre la demande et l’offre d’emploi, le CAE propose que des prestataires privés soient mis en concurrence pour diriger les chômeurs vers les besoins de main d’œuvre des TPE/PME.

Rappelons qu’en 2005 déjà, l’Unédic avait eu recours à des prestataires privés dans le but de réduire les dépenses de l’assurance chômage.

Le bilan réalisé en 2012, corroboré par un rapport de la Cour des comptes rendu en 2014, indiquait que Pôle emploi faisait mieux que le privé.

Cette réalité gênante pour le CAE conduit ses membres à re-écrire l’histoire en trouvant, a postériori, des raisons à cet échec auquel il est tout à fait possible de remédier :

-les prestataires ne doivent pas recevoir prioritairement les chômeurs les plus éloignés de l’emploi (qui doivent donc être laissés à Pôle emploi… ?)

-les prestataires doivent être libérés des « procédures administratives empêchant toute expérimentation novatrice ».

-chaque chômeur pourrait recevoir un « chèque emploi », valable auprès d’un prestataire de son choix chargé de l’accompagner jusqu’au retour à l’emploi. L’organisme serait alors rémunéré sur présentation de ce chèque et en fonction des résultats.

 

La CGT alerte depuis des années sur les risques et les dangers de la mise en concurrence et de la privatisation rampante de Pôle emploi et du service public de l’emploi.