Les accidents du travail ne sont pas toujours déclarés comme il le faudrait. A tel point que depuis 1997, une commission (présidée par un magistrat de la Cour des comptes) évalue le coût réel, pour la branche maladie, de leur sous-déclaration ainsi que de celle des maladies professionnelles (AT-MP). Elle estime le nombre d’accidents ou de maladies qui, s’ils avaient été déclarés, auraient dû être reconnus d’origine professionnelle, pour fixer ce que doit reverser la branche AT-MP à la branche « maladie » de la Sécurité sociale.
Entre 1,2 milliard et 2,1 milliards d’euros
La dernière commission, réunie en 2021, chiffre ce coût annuel entre 1,2 milliard et 2,1 milliards d’euros, dont 110 millions concernent les accidents du travail. La moitié des accidents du travail en France ne serait pas reconnue, estime la commission, sur la base d’une enquête du ministère du travail menée en 2017 ; 72 % ne seraient pas déclarés, et 26 % des accidents du travail avec arrêt (soit 224 000).
« La sous-déclaration s’est institutionnalisée et devient une pratique managériale dans de grandes entreprises, mais aussi chez les sous-traitants qui doivent apparaître irréprochables pour décrocher des contrats, estime Jérôme Vivenza, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. Une entreprise qui ne déclare pas un accident du travail encourt une amende de seulement 750 euros ! »
En revanche, les déclarations en bonne et due forme augmentent les cotisations patronales, qui tiennent compte du nombre et de la gravité des accidents. Pour en réduire le taux, le moyen le plus fréquent est de passer ces accidents en simple arrêt maladie, ou de déclarer des accidents du travail sans arrêt.
Plusieurs grandes entreprises pratiquant des politiques « zéro accident » pour baisser leur niveau de cotisation ont fait date : en 2007, à l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime), l’inspection du travail avait observé la déclaration de cinquante-huit accidents du travail sans arrêt, du fait d’un « système organisé de pressions visant à ce que les salariés, victimes d’un accident du travail, auxquels un arrêt de travail avait été prescrit renoncent à le prendre tout ou partie », notamment via des postes aménagés pour « occuper » les salariés, alors qu’ils n’étaient pas en état de travailler…
Source: Le Monde