Une réforme des retraites dangereuse et inutile, juste pour compenser les cadeaux fiscaux aux entreprises…

« La réforme des retraites va générer un désastre social »

La réforme des retraites et celle de l’assurance chômage, voulue par le gouvernement, vont bouleverser notre pays, et pas que le monde du travail, selon l’économiste Michaël Zemmour (rien à voir avec Eric Zemmour…), maître de conférence en économie à l’université Paris Panthéon Sorbonne et chercheur au LIEPP Sciences Po, « Ce n’est pas juste modifier des paramètres, c’est remettre en cause notre pacte social. »

L’allongement de l’espérance de vie a déjà été pris en compte, même plus que cela, par les précédentes réformes des retraites. Par ailleurs cet allongement de l’espérance de vie, et notamment l’espérance de vie en bonne santé, est aujourd’hui en baisse.

“La réforme des retraites est là pour compenser les baisses d’impôts aux entreprises”

Les dépenses de retraite sont stabilisées et même plutôt orientées à la baisse alors que le nombre de retraités sera plus important à l’avenir. Nous ne sommes pas dans les années 90 lorsqu’il fallait empêcher l’explosion des dépenses de retraite. Aujourd’hui, elles sont maîtrisées et même plus, car les retraités vont la toucher moins longtemps…

Allonger le temps de travail ne va donc pas servir à financer les retraites ?

J’entends beaucoup que la réforme des retraites est là pour financer l’éducation, la santé, la transition énergétique… Cette réforme est une mesure de finances publiques. La stratégie du gouvernement est de baisser les impôts, en particulier ceux de production sur les entreprises, comme en 2020/21. Cette baisse sera encore très importante en 2023/24 : 8 milliards d’euros par an. Dans le projet de budget 2023, il est clairement écrit que la réforme des retraites est là pour compenser les baisses d’impôts aux entreprises !

C’est donc « toujours moins de retraite » ?

Jusqu’en 2015, malgré les réformes, comme les carrières étaient meilleures, le niveau des pensions augmentait et la durée de retraite s’allongeait. Depuis, les réformes, comme les 42 annuités pour bénéficier d’une retraite à taux plein, n’ont pas encore produit tous leurs effets. Pour la génération 1973, il en faudra déjà 43. Même sans nouvelle réforme, l’âge moyen de la retraite va donc continuer d’augmenter. Alors que le système se dégrade, une nouvelle réforme va donc accélérer la baisse des prestations. C’est une rupture historique !

Vouloir faire travailler les Français plus longtemps se heurte au phénomène des personnes qui partent déjà à la retraite tout en n’étant plus en activité…

Quand le ministère de l’Économie chiffre la nouvelle réforme des retraites, pour chaque euro de retraite non versé grâce au nouvel âge de départ, il faudra dépenser entre 0,33 et 0,50 euro de prestations sociales supplémentaires en chômage, maladie, invalidité… Cela aggravera la situation sociale des personnes concernées comme on l’a déjà vu lorsque l’âge est passé de 60 à 62 ans. En repoussant à 65 ans, cela risque d’être encore plus flagrant, générant un désastre social. Le marché du travail et la façon de travailler en France ne sont pas du tout adaptés au report de l’âge de la retraite, même déjà à 62 ans ! En plus, les générations se rapprochant de la retraite sont des gens globalement fatigués, souhaitant partir dès que possible après une carrière bien moins sécurisée et continue qu’avant avec les crises de 1993, 2008 et la période du Covid.

À travers cette réforme, passe l’idée que les retraités seraient un poids et non une utilité pour notre société…

La retraite est une question politique, un choix de société. Nos retraites se sont améliorées depuis 1945, tant pour le niveau des pensions que leur durée. Depuis les années 80, s’est inventé un mode de vie à la retraite : temps libéré, tourisme, vie associative, services aux proches, enfants, petits-enfants et personnes dépendantes… Aujourd’hui, quel modèle de retraite voulons-nous ? Soit raccourcir la retraite, estimant que l’on peut travailler plus longtemps, la retraite n’intervenant que quand on ne peut plus le faire. Soit choisir, avec les actifs, de financer les retraites telle que nous le faisions voilà dix ans afin que les retraités puissent vivre normalement avec des revenus en rapport, sans être trop fatigués. Décaler l’âge de départ à la retraite, ce n’est pas juste modifier un paramètre, c’est aussi remettre en cause notre pacte social. Un véritable choix, sensible, de modèle de société !

(Source: L’Union)

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