Pôle Emploi : du contrôle des chômeurs au contrôle des conseillers

Les récentes déclarations du ministre du Travail sur les offres d’emploi non pourvues et sur la nécessité (selon lui) d’augmenter les contrôles des chômeurs ont suscité de nombreuses réactions.

Ce que ne sait pas le grand public c’est que depuis fin 2011, la Direction Générale de Pôle Emploi sous l’impulsion des gouvernements Fillon, Ayrault et Valls met en place un contrôle mensuel des conseillers.

Chaque conseiller suit un certain nombre de privés d’emploi. 70 (en théorie) pour les conseillers qui font de l’accompagnement renforcé, plusieurs centaines pour les autres.

La connection des fichiers entre l’Urssaf et Pôle Emploi permet aujourd’hui l’automatisation du calcul des taux de sorties vers l’emploi « durable » des privés d’emploi suivi par chaque conseiller.

La notion d’emploi « durable » est très relative puisqu’une embauche pour 6 mois ou plus est considérée comme une reprise d’emploi « durable ». Par ailleurs, il va de soi que dans ce système la qualité des emplois retrouvés n’a aucune importance, seule compte la quantité.

La mise en concurrence des conseillers sur ce critère fallacieux du taux mensuel des sorties vers l’emploi « durable » était programmée pour 2014, mais elle a été repoussée à début 2015.

On parle bien ici de « sorties vers l’emploi » et non d’emplois retrouvés avec l’aide de Pôle Emploi : pour obtenir un bon taux, il ne faut pas perdre son temps à aider plus particulièrement telle ou telle personne, il est plus efficace de « mettre la pression » sur les personnes qu’on était censés aider pour qu’elles trouvent elles-mêmes le plus rapidement possible n’importe quel contrat de six mois ou plus EN ABAISSANT LEUR NIVEAU D’EXIGENCE.

L’introduction d’un pilotage par les résultats (en clair récompenser les conseillers qui obtiendront de bons taux au détriment de leurs collègues) est un puissant moyen pour abaisser le niveau moyen d’exigence de l’ensemble des privés d’emploi. Il n’est pas besoin d’insister sur le fait que plus ce niveau moyen d’exigence baisse, plus l’ensemble du salariat est en position de faiblesse face au patronat.

Et voilà comment le plan stratégique Pôle Emploi 2015, traduction concrète de la convention tripartite État/Unedic/Pôle-Emploi signée fin 2011, est en train de dénaturer le beau métier de conseiller emploi, en le dépouillant de ce qui le rattache au service public, pour en faire un simple instrument au service de l’accélération du carrousel de la précarité.

 

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