Le rapport 2022 du médiateur de Pôle emploi met en évidence la persistance des difficultés liées à la radiation pour non réponse au téléphone

Le rapport 2022 du médiateur national de Pôle emploi Jean-Louis Walter se situe dans la continuité de ses rapports précédents.

De ce rapport marqué par la quasi généralisation d’une procédure de médiation nous extrayons une situation qui montre l’absurdité et l’inhumanité de l’application de la règle dans laquelle  « Pôle emploi est le porteur involontaire d’une cruelle absurdité qui verse sur les blessures le sel de l’incompréhension »

Madame S.I., âgée de 59 ans, a suivi une formation proposée par Pôle emploi jusqu’au 25 mars 2022, date à laquelle elle a fait un AVC foudroyant. Elle a été admise à l’hôpital en état de mort cérébrale mais, compte-tenu du protocole de don d’organes et afin de maintenir ses organes vitaux, elle a été placée dans le coma. Son décès officiel n’a été acté que 3 jours plus tard, par le service neurologique du CHR.

Son époux a formulé auprès des services de Pole emploi une demande de versement du capital décès qui lui a été refusée au motif que la défunte n’était pas indemnisée en ARE le jour de sa mort

A vous dégouter d’avoir accepté de donner ses organes !

Le rapport 2023 consacre une attention particulière aux radiations en affirmant la sévérité accrue des sanctions

« Dans de précédents rapports, il a été largement décrit la gradation rigide des sanctions 2 et comment les médiateurs constatent qu’elles deviennent de plus en plus sévères, avec un usage fréquent des radiations de six mois et une suppression définitive du revenu de remplacement. Pour mémoire, dès 2013, le Médiateur National appelait de ses vœux une gradation des sanctions, car la question de la disproportion se posait déjà. La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 avait semblé répondre à cette préoccupation, mais dans les faits, plutôt que de les assouplir, elle a rigidifié les pratiques, en les enfermant dans un barème plus sévère encore. »

Le médiateur revient sur un sujet récurrent, les radiations pour absence aux entretiens téléphoniques

« Les décisions de radiations pour absence à rendez-vous représentent 56% des demandes de médiation liées aux radiations. Dans cette catégorie figurent les absences à un entretien téléphonique. Au-delà d’authentiques comportements de mauvaise foi, des situations font aussi ressortir des aberrations.

Le côté pratique et facilitant des contacts téléphoniques, pour les demandeurs d’emploi comme pour les agences, ne peut pas être remis en cause. La question des sanctions pour absence à l’un de ces contacts est un très vieux débat, même s’il est certain que personne ne souhaite revenir à l’ancien système du déplacement obligatoire en agence.

La réalité fait cependant remarquer des situations de radiation systématique si le téléphone n’est pas décroché au premier appel. Chacun a cependant pu expérimenter les aléas des zones blanches, du réseau faible ou d’une absence fugace à l’instant précis où sonne le téléphone. Bon sens et bienveillance devrait en conséquence guider la gestion de ces incidents. Mais ce n’est hélas pas toujours le cas. »

Nous écrivions en 2011 Pôle emploi doit cesser de radier suite à « absence à entretien téléphonique ». Douze ans plus tard la pratique continue

Le médiateur revient également sur le tout dématérialisé et la fracture numérique

« Le tout dématérialisé n’est pas un débat nouveau et il rejoint, dans l’’esprit, celui des entretiens téléphoniques : un service plus confortable pour la majorité mais inadapté pour certains. Tout le monde s’agace de passer par une interface numérique, de devoir saisir des codes d’accès, mais se trouve finalement soulagé par la rapidité de la transaction. Tout le monde sauf les victimes de la « fracture numérique », ceux qui ne disposent pas d’Internet ou ne le maitrisent pas. Pour eux la référence quasi-systématique à « l’espace personnel du demandeur d’emploi » n’est pas toujours un avantage.

Dans la réalité, il est fréquent de constater que des personnes ayant déclaré disposer d’un ordinateur utilisent en fait celui d’une connaissance, d’une voisine, ou que ce sont leurs enfants ou des proches qui effectuent pour eux leurs démarches. C’est évidemment là qu’interviennent les difficultés, lorsqu’un message ou une convocation se perd ou est découvert trop tard. « Il faut consulter votre espace Internet tous les jours » disait-on aux demandeurs d’emploi à l’époque du lancement des services dématérialisés…« 

On peut penser que l’obligation d’inscription à France Travail pour les bénéficiaires du RSA risque de multiplier ce type de difficultés.

(Source: Alternatives Economiques)

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