Union Locale CGT de Commercy : un article sur le classement mensuel des conseillers

L’article ci-dessous est publié dans le numéro de décembre 2014 du bulletin de l’Union Locale CGT de Commercy (Meuse) :

Chômage – précarité – tous concernés !

Le gouvernement ne doit pas organiser la chasse aux chômeurs, mais la chasse au chômage de masse !

Le travail précaire n’est plus marginal. Il est devenu le fait d’une proportion toujours plus grande de salariés. Quarante millions de déclarations d’”embauches” sont adressées chaque année à l’URSSAF ou à la MSA, souvent pour de très courtes durées (une journée voire moins). Sur l’année 2010, six millions de personnes – soit un salarié sur quatre – ont été concernées par une ou plusieurs déclarations d’embauche. Dans ce contexte de forte dégradation des nouveaux contrats de travail, le contrôle des chômeurs vise à contraindre les privés d’emploi à renoncer à toute exigence.

Comme un iceberg, le contrôle annoncé des privés d’emploi a une partie émergée et une partie immergée. La partie émergée est l’affectation d’agents Pôle Emploi à temps plein au contrôle de la recherche d’emploi. La partie immergée c’est le classement mensuel des équipes et des conseillers Pôle Emploi. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un calcul automatique, chaque mois, du “taux de sorties vers l’emploi” de l’ensemble des privés d’emploi suivis par chaque conseiller. Puis de classer, chaque mois, les conseillers en fonction de ce seul critère. Peu importe la qualité des contrats (un CDD de 6 mois compte pour un emploi), peu importe si le contrat a été trouvé avec l’aide de Pôle Emploi ou pas. Peu importe s’il est à 5 kilomètres ou 100 kilomètres du domicile.

On le sait, la course à la quantité est souvent le meilleur moyen de dégrader la qualité.

La mise en place de ce système totalement inhumain, imaginé fin 2011, est programmée pour début 2015. Déjà depuis le second semestre 2014, la nouvelle convention d’assurance chômage, non signée par la CGT, a pour résultat de renforcer la précarité, de diminuer les revenus de ceux qui sont contraints de cumuler une partie de leurs allocations avec des petits boulots. Tout converge vers la baisse des revenus et l’augmentation des contraintes pour les précaires et privés d’emploi.

Travail – salaire – dignité !

Chacun a droit d’obtenir un emploi lui permettant de subvenir dignement aux besoins de sa famille ! Le droit à l’emploi est inscrit dans le préambule de la Constitution de la République Française.

Salariés en CDD, en CDI, sans emploi, retraités, TOUS UNIS pour la défense de nos droits !

En pièce jointe, le numéro de décembre du bulletin de l’UL de Commercy

COMMARCHIA – decembre 2014.pdf

Comparaison des « performances » ou classement mensuel des équipes et des conseillers


Ci-dessus un extrait d’une interview accordée par le directeur général de Pôle Emploi à l’agence média AEF au début cette année.

L’appellation officielle pour le classement mensuel des équipes et des conseillers est la « performance comparée ».

Laisser dans le flou l’application concrête de la « performance comparée » a permis à la direction d’avancer ses pions depuis deux ans sans susciter une levée de boucliers. Nous savons déjà qu’officiellement la « comparaison des performances » sera déclinée jusqu’au niveau des équipes (et pas seulement des agences comme écrit ci-dessus).

Les premiers à essuyer les plâtres seront les Responsables d’Équipes Professionnelles (REP).

Quelle sera leur marge de manoeuvre pour redresser la barre si leur équipe a un « mauvaise performance » au mois M ?

On leur expliquera rapidement (oralement, jamais par écrit) qu’il doivent répercuter la « performance comparée » au sein de l’équipe.

Ce mode de management est profondément pervers et destructeur. En cas de conséquence grave sur la santé d’un-e ou plusieurs agents ce sera toujours la faute du REP, éventuellement du DAPE, jamais au-dessus. L’encadrement supérieur a donné assez d’exemples, depuis la création de Pôle Emploi, de sa capacité à se défausser pour que personne ne puisse se faire d’illusion sur ce point.

Responsables d’Équipes, Directeurs-trices d’Agence, vous pouvez encore exprimer votre rejet de ce mode de management avant qu’il ne se mette en place.

Vous mettre en grève le 18 novembre sera l’occasion de manifester votre désaccord.

Comme tous les agents de Pôle Emploi, vous en avez le droit.

Il est temps, plus que temps, de bloquer la machine infernale.

Le classement mensuel des équipes et des conseillers Pôle Emploi contribuera au réchauffement climatique

Depuis deux ans environ la CGT Pôle Emploi Lorraine alerte sur les graves conséquences qu’aurait l’instauration – prévue pour début 2015 – du classement mensuel des conseillers.

Bref rappel sur ce qu’est le classement mensuel des conseillers : la convention tripartite ÉTAT/UNEDIC/Pôle-Emploi signée en janvier 2012 met en place le pilotage de Pôle Emploi par les résultats. Des indicateurs de résultats sont définis, dont le premier – de très loin le plus important – n’est toujours pas en vigueur fin 2014. Il s’agit du taux mensuel de sorties vers l’emploi « durable ». Le calcul de ce taux mensuel est automatisé grâce à l’importation des déclarations d’embauche (DPAE) dans les dossiers des personnes inscrites à Pôle Emploi

Nous avons déjà évoqué les effets négatifs sur l’ensemble des salariés (et pas seulement les personnes privées d’emploi et les conseillers) de ce classement mensuel au plan économique puisqu’il contribuera à déprimer les salaires et à favoriser la précarité de l’emploi. En effet, du point de vue du taux de sortie vers l’emploi « durable », tout contrat de 6 mois ou plus en vaut un autre. Qu’il soit bien ou mal payé, correspondant aux attentes de la personne privée d’emploi ou pas, peu importe de ce point de vue.

Comme les emplois inintéressants et mal payés sont plus faciles à trouver rapidement que les emplois intéressants et bien payés, la classement mensuel favorise les premiers.

Le même raisonnement vaut pour la proximité entre le lieu de travail proposé et le domicile du chercheur d’emploi. Il est plus facile de trouver rapidement un emploi dans un rayon de 100 kilomètres que dans un rayon de 5 kilomètres. Qui peut le contester ?

Or – il faut le répéter encore et encore – le taux de sorties vers l’emploi « durable » ne fait aucune différence entre un emploi à proximité du domicile du chercheur d’emploi et un emploi qui en est éloigné et inaccessible par les transports en commun.

La course aux chiffres sans égard à la proximité des emplois favorisera donc mécaniquement les emplois éloignés. Si le trajet moyen domicile-travail augmente pour des dizaines ou des centaines de milliers de personnes reprenant un emploi, c’est la planète qui en subira les conséquences.

Et voilà pourquoi le classement mensuel des équipes et des conseillers – outre ses inconvénients économiques – est un non-sens au plan écologique.

Que faire ?

Alerter, dénoncer le classement mensuel qui n’a qu’un seul but : transformer le service public de l’emploi en cabinet de reclassement au service exclusif des intérêts patronaux (baisse des salaires, accroissement de la précarité). L’accroissement des émissions de gaz à effets de serre en est un effet collatéral. C’est une raison supplémentaire de combattre son instauration.

En 2005 déjà, les conseillers emplois refusaient de devenir la police des chômeurs

Ce tract de la CGT ANPE Lorraine date du 30 novembre 2005.

Trois ans avant la fusion ANPE-ASSEDIC qui donnera Pôle Emploi, tous les conseillers emploi étaient des agents publics.

Déjà à l’époque le nombre des radiations était du même ordre qu’aujourd’hui, essentiellement pour absence à convocation.

La mise en place du SMP, que nous dénoncions dans ce tract, n’a pas permis – grâce à la conscience professionnelle des conseillers, qui ont refusé de bâcler les entretiens (le DG de l’époque prévoyait des entretiens de 10 minutes et la rotation des personnes privées d’emploi sur les portefeuilles pour éviter qu’on « s’attache ») les radiations pour refus d’emploi ou pour absence d’actes positifs de recherche d’emploi n’ont pas significativement augmenté.

La fusion, intervenue fin 2008, a pour but de casser cet esprit de résistance des conseillers emploi.

Premier acte : inciter un maximum d’entre eux à renoncer au statut public, de façon à les rendre plus vulnérables.

Le second acte est pour bientôt : mettre en place le classement mensuel des équipes et des conseillers en vue de les contraindre à être beaucoup plus coercitifs.

Rien n’est jamais écrit d’avance. Nous pouvons encore faire échec au classement mensuel.

Nous pouvons collectivement faire échec à la casse de nos métiers.

le pilotage par les taux de sorties vers l’emploi expliqué au comité d’établissement du 28 août

Ci-dessus un extrait (page 27) du procès-verbal du comité d’établissement du 28 août.

Ce PV a été approuvé et vient d’être diffusé à tous les agents de la Région.

Ce que la CGT annonce depuis deux ans et demi y est confirmé :

Dans quelques semaines, les taux de sorties vers l’emploi « durable » seront calculés pour chaque équipe et chaque agence à partir des DPAE.

Le rapport d’expertise demandé par le CHSCT début 2013 a mis en évidence les risques psycho-sociaux induits par la mise en concurrence des équipes et des agents. Et les directions continuent quand même dans cette voie.

Pour se justifier, ils invoquent la nécessité de rendre des comptes. Sauf qu’il n’y a pas besoin de compter les DPAE par équipe pour rendre des comptes au niveau de Pôle Emploi : le nombre de DPAE pour toute la France est fourni régulièrement par l’ACOSS. Le but du classement mensuel des équipes et des conseillers c’est bien la mise en concurrence à tous les niveaux.

Entrons en résistance !

Le « pilotage par les résultats » contre la conscience professionnelle des conseillers

Le pilotage par les taux mensuels de sortie vers l’emploi « durable » revient à pénaliser la conscience professionnelle des conseillers. Pourquoi ?

Les emplois précaires, inintéressants et mal payés sont plus faciles à trouver que les emplois stables, intéressants et bien payés.

Jusque là, tout le monde suit ?

Or du point de vue du pilotage par les taux de sortie vers l’emploi « durable » un emploi précaire (un CDD de 6 mois est considéré comme « durable »), inintéressant et mal payé VAUT AUTANT qu’un emploi stable, intéressant, et bien payé. Ce qui est à l’opposé du point de vue d’une personne à la recherche d’un emploi.

Autrement dit, entrer dans la logique du pilotage par les taux de sortie vers l’emploi « durable » implique de FAIRE ABSTRACTION du point de vue de la personne à la recherche d’un emploi.

Le conseiller qui, par conscience professionnelle, continuera à prendre en compte le point de vue de la personne à la recherche d’un emploi – préférer un emploi stable, intéressant et bien payé à un emploi, précaire, intéressant et mal payé – se pénalisera donc lui-même en acceptant la baisse de son taux de sortie vers l’emploi « durable ».

En résumé, le conseiller a deux options :

1) obtenir un bon taux mensuel en oubliant le point de vue de la personne privée d’emploi

2) tenir compte du point de vue de la personne privée d’emploi et être le dernier (de son équipe, de son agence, etc.)

Ce genre de dilemme peut rendre fou. Littéralement.

Nous devons réagir collectivement pour empêcher ça.