Dès octobre 2017, à l’occasion de l’ouverture de la négociation sur la réforme de la formation professionnelle, la CGT avait la première tiré le signal d’alarme. L’orientation libérale du gouvernement et la marchandisation accrue de la formation au détriment de la construction d’un service public accessible à tous laissait clairement craindre suppressions massives d’emplois et de fermetures de centres, partout en France.
Aujourd’hui nous y sommes, hélas.
Le 18 octobre 2018, la direction générale de l’AFPA et le président de son Conseil d’Administration présentaient en même temps, l’une au Comité Central d’Entreprise, l’autre au Conseil d’Administration, « un projet de réorganisation de l’AFPA ».
Cette réunion « zéro » préfigure la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui supprime des emplois par centaines, avec des fermetures de centres, instaurant une politique de mobilité généralisée tant géographique que professionnelle pour les salariés qui resteront, suite à une réorientation d’une partie de l’activité historique de formation professionnelle vers de l’accompagnement.
Sur un effectif total de 6773 postes, 938 sont menacés de suppressions d’ici à 2020. Dans un communiqué, la direction de l’Afpa a précisé que le plan concernerait la suppression de 1 541 postes en CDI d’ici à fin 2020 et la création de 603 autres postes sur d’autres compétences. Les départs naturels à la retraite concerneront 600 personnes. ). Dans le Grand Est, 193 des 653 CDI que compte l’Afpa devraient disparaître et 95 emplois seraient créés, ce qui aboutit à une perte totale d’une centaine d’emplois. Il y a aura un plan de départs volontaires et des redéploiements. On est encore dans le flou.
Sur 38 centres de formations menacés en France, cinq se situent dans le Grand Est. Deux se situent en Champagne-Ardenne (Reims et Romilly), deux en Lorraine (Faulquemont et Thionville Yutz) et un en Alsace (Soultz-sous-Forêts).
Cette situation est d’autant plus absurde que des milliers de personnes ont besoin de se former et d’être accompagnées dans leur recherche d’orientation et d’insertion professionnelles.
La situation budgétaire de l’Afpa serait en cause. « L’Afpa est devenue structurellement déficitaire, en raison de l’intensité concurrentielle du secteur de la formation, de la digitalisation de l’offre et du passage à un système d’appels d’offres qui ont révélé sa faible compétitivité », a souligné la direction dans son communiqué.
Les salariés critiquent la Région, qui a réduit ses budgets. Pour les syndicats, la Région, qui a déclaré regretter la brutalité des annonces, est en partie responsable des coupes claires dans les effectifs du Grand Est : « Par exemple, en réparation et contrôle technique auto, spécialités de Yutz, il y a des besoins immenses en raison de nouvelles normes et la Région ne fait plus d’appels d’offres. On ne comprend plus rien. Au total, dans l’Est, c’est 15 M€ de chiffre d’affaires de moins entre 2015 et 2018. Nos prix seraient au-dessus du marché, mais leurs prestataires viennent sur nos plateaux techniques pour passer les certifications », affirme un représentant syndical.
La CGT alerte sur les vrais enjeux.
Ce qui a prévalu jusqu’à présent était principalement d’ordre économique et financier. Ainsi, l’approche de la direction générale, du président et des tutelles qui font pression est de réduire drastiquement ce qui est considéré comme des charges, au premier rang desquelles la masse salariale.
Par contre, peu d’ambition pour relever le niveau d’activité dans la formation professionnelle des demandeurs d’emplois qui s’effondre, avec des pertes très conséquentes de parts de marché avec les conseils régionaux.
Pour la CGT, l’urgence véritable est de répondre à la question politique : quelle AFPA veut-on et pour quoi faire ?
Car le pays se trouve confronté à des enjeux économiques cruciaux à la croisée entre :
- la réindustrialisation, la production en proximité (circuits courts, etc.) ;
- le développement durable ;
- un aménagement du territoire garant d’un développement équilibré face à la métropolisation ;
- les transitions écologiques, énergétiques, numériques ;
- la transformation du travail et des métiers ;
- le défi climatique ;
- les métiers rares et émergents.
Répondre à ces défis nécessite des choix politiques d’envergure.
Pour la CGT, il va falloir investir lourdement et durablement dans la formation professionnelle qualifiante pour réussir à les relever. Les pouvoirs publics disposent au sein du service public de l’emploi (SPE) d’un bras armé qui a fait la démonstration de son efficacité sociale depuis plus de 70 ans. Ce n’est pas en procédant à une sévère amputation de ses moyens opérationnels que l’AFPA pourra assumer ses missions de service public telles qu’elles sont (im)posées par la loi.
Tout au contraire, la CGT propose 4 axes pour reconstruire une AFPA capable de former citoyens et travailleurs dans de bonnes conditions :
- répondre à l’exigence de « à chacun selon ses besoins » et sortir du principe libéral du « à chacun selon ses droits acquis ». Le compte personnel de formation (CPF) tel que construit actuellement est un piège encore plus cruel pour les plus éloignés de l’emploi ;
- dans cet esprit, l’AFPA doit avoir les moyens d’identifier et de répondre aux problématiques et spécificités de chaque personne accueillie.
- valoriser le « chemin parcouru » par chaque personne formée entre sa situation de départ et celle atteinte à l’issue du parcours de formation. Par la qualité du service rendu à ses usagers, garantie par du personnel pérenne et qualifié, l’AFPA pourra rendre compte de son utilité sociale et de son efficacité ;
- sortir des appels d’offres régionaux. D’autres modalités de contractualisation sont possibles et devraient être mise en œuvre par les régions.
Pour la CGT, l’AFPA est un Organisme Public qui doit permettre de répondre aux enjeux économiques cruciaux par la formation professionnelle qualifiante de qualité. Mais, cela nécessite des choix, des décisions et des engagements politiques de long terme qui dépassent très largement les décisions économiques de court terme prise par ses dirigeants.
La CGT refuse toute décision de la direction consistant à licencier des salariés et à liquider des centres de formation. Pas de place pour des officines de formations du tout lucratif ; le défi de la formation des actifs, des privés d’emploi, comme des personnes les plus démunies, ne peut en aucun cas être soumis à la concurrence. L’enjeu est de faire face aux évolutions des contenus du Travail et aux mutations technologiques, numériques et environnementales, en s’appuyant sur le service public.
Pour lire le communiqué commun CGT Pôle emploi et CGT Afpa, cliquer ici