Voici un intéressant article publié sur LExpress.fr le 25 juillet 2018:
Utiliser une appli pour trouver un job, scanner son CV ou même s’inscrire à Pôle emploi est ardu pour beaucoup de demandeurs d’emploi.
Mauvaise maîtrise des outils, absence d’équipement (smartphone, ordinateur…) ou problème d’accès internet. Au total, 14 millions de Français sont « éloignés du numérique », estime France Stratégie, institut rattaché à Matignon, dans un rapport publié début juillet intitulé « les bénéfices d’une meilleure autonomie numérique« . Et il y a parmi eux une surreprésentation des plus âgés, des ouvriers, des personnes peu diplômées et des « sans activité professionnelle. »
Problème : depuis 2016, l’inscription à Pôle emploi se fait obligatoirement par internet. Conséquence: à l’agence du centre-ville de Roubaix, six jeunes en « service civique » se relaient à l’accueil pour aider les demandeurs d’emplois dans leurs démarches. L’agence travaille aussi avec l’association « Emmaüs connect » pour les chômeurs les plus éloignés du numérique et met en place des ateliers spécialisés, explique à l’AFP sa directrice, Zhora Elbasri.
D’après une étude de l’opérateur public, une personne sur cinq se déplace physiquement pour s’inscrire et 28% au total ont eu besoin d’une aide, qui peut se faire aussi par téléphone. « Certains n’ont pas d’ordinateur, ou ne sont pas sûrs d’avoir bien scanné un document », illustre Tarik, 21 ans, en service civique depuis juin à Roubaix.
« Etre absolument visible »
Des demandeurs ont besoin de « quelqu’un pour les aider », voire qu’on écrive les mails « à leur place », détaille Rose-Marie Péchallat, ancienne conseillère Pôle emploi. Une démarche qui est loin d’être aisée. « C’est une certaine humiliation de venir, de dire »Moi je veux qu’on m’aide » ou »Je ne comprends rien à ce qu’on me dit » », décrit celle qui aide depuis plusieurs années les chômeurs en difficulté avec l’opérateur, grâce à un forum internet
S’inscrire à Pôle emploi n’est que le premier défi à relever quand on ne maîtrise pas internet. Selon une étude de la Dares (1), 41 % des établissements utilisent leur site web pour recueillir des candidatures. Et dans 45% des recrutements, internet a été directement mobilisé pour diffuser des annonces ou consulter des CVthèques. « Compte tenu du fait que 75% des emplois nécessitent au moins la maîtrise des compétences numériques de base, un individu a plus de chances d’avoir un emploi s’il maîtrise ces compétences que dans le cas contraire », rappelle France Stratégie.
Pour ne pas laisser certains chômeurs à quai, l’association « Solidarité Nouvelles face au Chômage » (SNC) a d’ailleurs mis en place des ateliers numériques. « Nous avons aussi beaucoup de seniors qui ont une adresse mail et qui ne s’en servent jamais », explique Hélène Cazalis, délégué générale adjointe. De surcroît, et même s’il ne faut « pas tout miser sur le numérique », il faut néanmoins comprendre les nouvelles logiques de recrutement liées à internet. Les employeurs « cherchent leurs candidatures dans un vivier » si bien qu' »il faut absolument être visible ». « Quelqu’un qui ne remplit son CV qu’à 60% n’apparaît pas du tout, et cela c’est peu connu des demandeurs d’emploi, ajoute-t-elle. Elle estime aussi que « réseaux sociaux professionnels » pour la recherche d’emplois sont souvent « sous-utilisés ».
(1) Comment les employeurs recrutent-ils leurs salariés?, étude parue en octobre 2017.