Depuis quelques semaines, les membres de l’exécutif martèlent qu’un chômeur sur cinq gagnerait plus au chômage qu’en travaillant. Un chiffre en réalité issu d’une illusion statistique qui est utilisée par le gouvernement pour justifier sa réforme de l’assurance chômage.
le Premier ministre et la ministre du Travail affirmaient qu’un chômeur sur cinq gagnerait plus au chômage qu’en travaillant. Une information reprise depuis par de nombreux membres du gouvernement et de la majorité. Or celle-ci Il relève pour le moins d’une forme de torsion du réel, habilement mobilisée par l’exécutif pour légitimer sa réforme à venir de l’assurance chômage. Il faut dire que le gouvernement a pour objectif de tailler dans les dépenses liées à l’assurance chômage afin d’effectuer 4 milliards d’euros d’économies en trois ans.
L’une des principales pistes examinées pour y arriver est ainsi de diminuer les allocations journalières versées aux salariés les plus flexibles et les plus intermittents. Les plus précaires aussi. Le meilleur moyen de faire accepter cette réforme reste alors de montrer que ces travailleurs ponctuels sont des privilégiés qui profitent des largesses d’un système par évidence trop généreux.
Or dire que 20% des chômeurs toucheraient une allocation supérieure à la moyenne de leurs revenus est pour le moins contestable. C’est d’ailleurs ce qu’explique le sociologue spécialiste du travail Mathieu Grégoire, qui qualifie cet indicateur « d’un chômeur sur cinq » de fausse information. En effet, les chiffres mobilisés par le gouvernement s’appuient sur des données datant de 2015 à 2017, or les règles ont changé en 2017 pour réduire les allocations versées aux salariés les plus intermittents. Pour le sociologue, ce chiffre relève surtout d’une forme de manipulation statistique assez troublante.
Un article de Médiapart sur le même sujet nous explique ainsi que pour arriver à ce résultat, le gouvernement a choisi de comparer des indicateurs absolument incomparables. L’exécutif a ainsi utilisé d’un côté la moyenne mensuelle des salaires touchés pendant l’ensemble des mois travaillés. Peu importe que durant ces mois la personne ait travaillé une seule journée ou 20 jours.
Ce chiffre a ensuite été comparé au montant de l’allocation chômage versée au demandeur d’emploi pendant un mois complet. Or justement, les deux périodes n’ont rien à voir : si un de ces travailleurs intermittents a travaillé en tout et pour tout l’équivalent de quatre mois, il ne sera indemnisé ensuite par Pôle Emploi que pendant quatre mois.
En clair : si un salarié n’a travaillé que quatre mois sur une année, il faut aussi prendre en compte les périodes où il n’a rien touché du tout. On comprend aisément que les chiffres ne seront alors pas les mêmes. L’Unedic a d’ailleurs adopté ce mode de calcul -bien plus logique- et ne trouve que 4% des allocataires qui touchent effectivement plus au chômage qu’en travaillant. Et pour cause! Le système même de l’assurance-chômage a été élaboré pour qu’il soit plus avantageux de travailler que de chômer.
Pourtant l’illusion ne s’arrête pas là. Le sociologue Mathieu Grégoire explique que le gouvernement, pour arriver à ce chiffre, s’est servi d’une autre incongruité statistique, permettant d’attribuer à ces travailleurs-intermittents des salaires artificiellement bas. Un salarié travaillant 6 mois d’affilée pour 6000 euros, par exemple, représente une moyenne de 1000 euros par mois. Logique
Mais le même salarié alternant chômage et travail, avec des contrats débutant le 15 du mois, serait alors considéré comme ayant travaillé pendant douze mois et se verrait attribuer une moyenne mensuelle de 500 euros seulement. Une absurdité logique pourtant allégrement reprise par le gouvernement.
Un tour de passe-passe économique et statistique pour valider sa propre politique qui, ce faisant, réactive ce vieux mythe de l’opposition entre les travailleurs qui se lèvent tôt et ces vilains assistés qui préfèrent se prélasser plutôt que travailler…
(Source France Culture)