Déclaration CGT à l’ouverture du Comité d’Établissement du 18 décembre 2014

Aujourd’hui doit être présenté à l’Assemblée Nationale – selon la procédure accélérée – un projet de loi permettant à la France de ratifier la convention n° 181 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Cette convention permet aux états signataires d’autoriser l’activité des agences d’emploi privées.

La comparaison des « performances » est maintenant possible en temps réel et à tous les niveaux. En effet, l’instrument de mesure des résultats – le calcul automatisé du taux de sorties vers l’emploi – est désormais en place, prêt à fonctionner.

C’est évidemment une très mauvaise nouvelle pour le service public de l’emploi.

Mais c’est aussi une très mauvaise nouvelle pour l’ensemble des salariés de notre pays. Le « taux de sorties vers l’emploi » est un critère purement quantitatif. Il ne tient pas compte de la qualité des emplois repris. La course à la quantité des « reprises d’activité » ne peut que mener à la dégradation de la qualité de l’accompagnement des privés d’emploi, à la précarisation croissante d’une part toujours plus importante des salariés.

Le rapport Boulanger, publié en 2008, annonçait « la structuration d’un marché d’acteurs performants [du reclassement] ».

Le classement mensuel ne concerne pas que les conseillers, les équipes, les agences Pôle Emploi. Il concerne aussi les futurs concurrents de Pôle Emploi. Bien plus, il était la condition de leur émergence. La concurrence est installée à tous les niveaux au service d’un seul objectif : contraindre de plus en plus les privés d’emploi à renoncer à toute exigence.

Depuis plus de deux ans, la CGT Pôle Emploi Lorraine explique sans relâche ce qui se prépare. C’est tellement énorme que bien peu y croyaient au début. Aujourd’hui les choses sont claires.

Il est encore temps de rassembler largement, bien au-delà des privés d’emploi et des agents de Pôle Emploi. Tou-te-s les salarié-e-s de notre pays sont concernés à des degrés divers. Tous ensemble, nous pouvons encore faire reculer ce projet.

La sénatrice Évelyne Didier interroge le ministre du travail à propos du classement mensuel des conseillers

Question écrite n° 14116 de Mme Évelyne Didier (Meurthe-et-Moselle – CRC)

publiée dans le JO Sénat du 11/12/2014 – page 2738

téléchargement (9)

« Mme Évelyne Didier attire l’attention de M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la mise en place d’un classement mensuel des conseillers de Pôle emploi prévue pour début 2015, et son impact sur les demandeurs d’emploi et l’ensemble des salariés. En effet, il est question de classer mensuellement chaque agence et chaque conseiller de Pôle emploi en fonction du taux de sorties vers l’emploi des personnes qu’il est chargé de suivre. Or, cette mesure ne tient compte que de la quantité des contrats de six mois ou plus trouvés par les demandeurs d’emploi, et non de leur qualité et du marché local du travail. Les conseillers vont ainsi être obligés de contraindre les inscrits à prendre n’importe quel contrat de six mois ou plus, même peu rémunéré, très éloigné de leur domicile, correspondant ou non aux qualifications de l’intéressé. Cette mesure risque donc d’accélérer la précarisation des salariés en mettant la pression sur les chercheurs d’emploi pour les contraindre à abandonner toute exigence en termes de choix, de salaire ou encore de proximité. C’est pourquoi, elle lui demande si le Gouvernement compte revoir ce pilotage par les seuls résultats et, au contraire, apporter les moyens matériels et humains pour accompagner véritablement et individuellement chaque demandeur d’emploi. »

En attente de réponse du Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Nouvel ANI sur le Contrat de Sécurisation Professionnelle : danger pour le Service Public de l’Emploi !

L’article 21 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 31 mai 2011 devient l’article 22 dans le projet de nouvel accord.

Mais surtout les lignes suivantes ont été rajoutées à cet article :

« Tous les opérateurs, y compris Pôle Emploi, chargés de l’accompagnement des bénéficiaires du CSP sont rémunérés en fonction des résultats obtenus en matière de reclassement durable en emploi. S’agissant de Pôle Emploi, la rémunération aux résultats tient compte des contraintes liées à sa mission d’opérateur public de l’emploi.

Dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif, Pôle Emploi veille à ce que les relations avec les opérateurs en charge du suivi soient facilités par un partage d’information optimisé (par exemple par la mise à disposition des opérateurs des déclaration préalable à l’embauche concernant les bénéficiaires dont ils ont la charge de l’accompagnement et du suivi). »

Rémunération aux résultats, reclassement « durable » (6 mois ou plus), transmission des déclarations préablables à l’embauche (DPAE), on retrouve dans ce projet de nouvel accord tous les ingrédients du classement mensuel des conseillers et plus largement de l’ensemble des « opérateurs », alias « performance comparée », alias « pilotage par les résultats ». Mise en concurrence à tous les étages, évaluation quantitative et non qualitative des « reclassements », passage d’une logique de service public de l’emploi à une logique de création d’un marché du reclassement.

Les quelques avancées qui pourraient être contenues dans d’autres articles du projet d’ANI ne peuvent en aucun cas compenser ce qui va dans le sens de la disparition complète du service public de l’emploi. Les conséquences de cette disparition seraient dramatiques pour l’ensemble des salariés de notre pays.

Union Locale CGT de Commercy : un article sur le classement mensuel des conseillers

L’article ci-dessous est publié dans le numéro de décembre 2014 du bulletin de l’Union Locale CGT de Commercy (Meuse) :

Chômage – précarité – tous concernés !

Le gouvernement ne doit pas organiser la chasse aux chômeurs, mais la chasse au chômage de masse !

Le travail précaire n’est plus marginal. Il est devenu le fait d’une proportion toujours plus grande de salariés. Quarante millions de déclarations d’”embauches” sont adressées chaque année à l’URSSAF ou à la MSA, souvent pour de très courtes durées (une journée voire moins). Sur l’année 2010, six millions de personnes – soit un salarié sur quatre – ont été concernées par une ou plusieurs déclarations d’embauche. Dans ce contexte de forte dégradation des nouveaux contrats de travail, le contrôle des chômeurs vise à contraindre les privés d’emploi à renoncer à toute exigence.

Comme un iceberg, le contrôle annoncé des privés d’emploi a une partie émergée et une partie immergée. La partie émergée est l’affectation d’agents Pôle Emploi à temps plein au contrôle de la recherche d’emploi. La partie immergée c’est le classement mensuel des équipes et des conseillers Pôle Emploi. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un calcul automatique, chaque mois, du “taux de sorties vers l’emploi” de l’ensemble des privés d’emploi suivis par chaque conseiller. Puis de classer, chaque mois, les conseillers en fonction de ce seul critère. Peu importe la qualité des contrats (un CDD de 6 mois compte pour un emploi), peu importe si le contrat a été trouvé avec l’aide de Pôle Emploi ou pas. Peu importe s’il est à 5 kilomètres ou 100 kilomètres du domicile.

On le sait, la course à la quantité est souvent le meilleur moyen de dégrader la qualité.

La mise en place de ce système totalement inhumain, imaginé fin 2011, est programmée pour début 2015. Déjà depuis le second semestre 2014, la nouvelle convention d’assurance chômage, non signée par la CGT, a pour résultat de renforcer la précarité, de diminuer les revenus de ceux qui sont contraints de cumuler une partie de leurs allocations avec des petits boulots. Tout converge vers la baisse des revenus et l’augmentation des contraintes pour les précaires et privés d’emploi.

Travail – salaire – dignité !

Chacun a droit d’obtenir un emploi lui permettant de subvenir dignement aux besoins de sa famille ! Le droit à l’emploi est inscrit dans le préambule de la Constitution de la République Française.

Salariés en CDD, en CDI, sans emploi, retraités, TOUS UNIS pour la défense de nos droits !

En pièce jointe, le numéro de décembre du bulletin de l’UL de Commercy

COMMARCHIA – decembre 2014.pdf

La CGT Pôle Emploi Lorraine appelle tous les salariés, avec ou sans emploi, à lutter contre le classement mensuel

Le classement mensuel des équipes et des conseillers Pôle Emploi, acte Deux de la fusion, programmé pour début 2015, est une machine de guerre pour accroître la précarité dans notre pays.

C’est tous ensemble, salariés avec ou sans emploi, agents de Pôle Emploi, que nous devons lutter contre le classement mensuel des équipes et des conseillers Pôle Emploi !

Ce tract est téléchargeable au format pdf en cliquant sur la pièce jointe.

Appel6decembre.pdf

Le pilotage par les résultats, un point du projet qui peut fragiliser le collectif, facteur de protection

Ci-dessous un extrait du rapport d’expertise réalisé par 3E Consultants à la demande du CHSCT Pôle Emploi Lorraine et présenté aux élus en février 2013.

« Le pilotage par les résultats, un point du projet qui peut fragiliser le collectif, facteur de protection

Comme on l’a vu plus haut, le projet s’appuiera donc sur le modèle de la performance qui s’exprime par un pilotage par les résultats. Jusqu’à présent, les conseillers disposaient d’indicateurs de moyens pour se situer dans leur travail (nombre d’entretiens physiques mensuels réalisés…).

Ils auront désormais des indicateurs de résultats permettant de mesurer l’efficacité des reclassements. Les agences vont pouvoir être évaluées au travers d’indicateurs comme le taux de reprise à l’emploi ou taux de DUE (déclaration unique d’embauche). Il s’agit de mesurer sur le nombre de placements des DE qui deviennent possibles aujourd’hui.

Si jusque-là, la transmission systématique du NIR (Numéro d’inscription au registre national) était interdite sauf cas exceptionnel de contrôle, un décret modifiant l’article R 1221-17 du code du travail datant de juillet 2012 ajoute le NIR de la personne embauchée aux informations issues de chaque DPAE (Déclaration préalable à l’embauche) que l’URSSAF est tenue de transmettre systématiquement à Pôle Emploi. Ce NIR permet à Pôle Emploi d’intégrer aux dossiers des demandeurs d’emploi les déclarations préalables à l’embauche qui les concernent.

À partir de là, il devient possible de calculer le pourcentage de demandeurs d’emploi qui reprennent un emploi sur une période donnée par rapport à l’ensemble des DE.

Jusqu’en juillet 2012, la mesure du taux de reprise était floue au plan local. Or, elle devient désormais possible et précise aujourd’hui. Pôle Emploi est en mesure de savoir combien de demandeurs d’emploi font l’objet d’une déclaration d’embauche en temps réel au sein de chaque portefeuille. Cela signifie que la comparaison mensuelle de la performance en termes de reprise d’emploi est possible, ce qui fait redouter à certains une comparaison des résultats et une mise en concurrence au niveau individuel, de l’équipe ou des agences.

« On va être mesuré et donc on va être mis en concurrence »

« Les agences risquent d’être mises en concurrence les unes avec les autres…on n’aura pas tout le même taux de placement, car ce sera en fonction du type de portefeuille, en fonction des DE, et des secteurs d’activité »

« Il y a une peur d’être jugé sur un taux de placement, avec derrière la peur d’une pression pour faire du chiffre. »

Même si dans le discours de la Direction, il s’agit « de voir comment on améliore la situation par agence et de mesurer la capacité d’une agence à faire mieux en fonction de son environnement », il sera ensuite possible de comparer les agences entre elles. D’après la direction, cette comparaison se fera uniquement au niveau des agences. Cette mise en concurrence peut s’apparenter à une forme
de « benchmark » des agences Pôle Emploi. Cette mise en concurrence peut mettre l’ensemble du système sous tension avec la crainte pour certains conseillers de passer plus de temps sur les indicateurs qu’avec les demandeurs d’emploi et d’une accélération du rythme de travail et d’un éclatement du collectif, avec des impacts catastrophiques sur les troubles psychosociaux au regard des autres facteurs de risques déjà intenses.

Pour qu’un collectif existe, il est important que ses membres partagent des valeurs et construisent ensemble des règles de métiers. Il est nécessaire que ces personnes se connaissent entre elles, avec les différences, les compétences spécifiques de l’un ou l’autre et qu’elles se fassent confiance dans la réalisation de l’activité. Le collectif de travail ainsi constitué assure alors des fonctions de soutien, de reconnaissance, de construction de règles communes réduisant les incertitudes et participe pour l’individu à la définition de son identité professionnelle. Par ces fonctions, le collectif de travail est un facteur important de protection de la santé
physique et surtout mentale.

Si le collectif est mis en avant comme ressource indispensable au travail, un facteur important de protection des risques psychosociaux, le pilotage par les résultats pourrait le fragiliser en mettant en place une telle gestion. C’est bien ce que démontre Vincent de Gaulejac dans la mesure où dans ce système, « chacun doit continuellement se dépasser pour faire mieux […] que les autres qui deviennent alors des concurrents. Le culte de la performance introduit dans le monde du travail une concurrence permanente qui met l’ensemble des salariés dans une exigence de toujours plus. Le travail ne consiste plus à réaliser une tâche prédéfinie en temps et en heures, mais à réaliser des performances. »

D’ailleurs, à ce sujet une jurisprudence établit un lien entre ce mode de gestion des performances et le danger qu’il induit pour la santé des salariés. Le TGI de Lyon a effectivement reconnu la dangerosité d’un tel système de gestion des performances. Selon ce tribunal, « il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, qu’il doit prévenir le risque et non intervenir a posteriori ». En outre, « il est de jurisprudence constante que l’obligation de sécurité qui repose sur l’employeur est une obligation de résultat ».

Pour les magistrats du TGI, « l’employeur n’avait pas respecté l’obligation de résultat qui pèse sur lui », car « en instaurant comme mode d’organisation du travail le benchmark, il avait gravement compromis la santé de ses salariés, comme cela lui avait été indiqué régulièrement et par plusieurs instances ». Or, « les mesures mises en place par l’entreprise (à savoir un observatoire des risques psychosociaux, un numéro vert, un « plan d’action qualité du travail »), étaient largement insuffisantes pour répondre à la problématique du benchmark comme l’avaient noté les médecins du travail dans leur rapport ». En effet, ces mesures ne visaient pas à supprimer le risque à la source, mais à intervenir a posteriori une fois que le risque est révélé « 

Expertise CHSCT – Projet important : Effets sur les conditions de travail induits par la mise en œuvre des premières évolutions de l’entretien d’inscription et de
diagnostic et les nouvelles modalités de suivi et d’accompagnement des demandeurs d’emploi. 28 février 2013 réalisée par 3E Consultants pour le CHSCT Pôle Emploi Lorraine (pages 86 à 88)

À quelques jours de la désignation d’un nouveau CHSCT, il nous paraît important de saluer le travail effectué depuis deux ans par l’ensemble des élus depuis novembre 2012- Personne ne peut contester que les trois élus CGT y ont pris une grande part –

Le rapport dont un extrait est publié ci-dessus – unique en France – est un point d’appui solide pour engager la responsabilité des directions suite aux conséquences nocives que ne manquera pas d’occasionner l’instauration prochaine du classement mensuel des équipes et des conseillers.