Pôle-Emploi: la manipulation par les mots…

manipulation

On se demandait parfois si on nous prenait pas pour des …
Maintenant on en est sûr !

Les mots sont porteurs de sens. Les dictionnaires donnent le sens des mots afin que nous puissions concevoir des idées et échanger sur des bases fiables et universellement reconnues.
Lorsqu’il y a décalage entre la définition d’un mot et l’idée que l’on veut faire passer en utilisant ce dernier, on est en présence d’un détournement de mot, d’une manipulation.
A notre insu souvent, ainsi qu’à celui de nos usagers, le Pôle-Emploi est aujourd’hui passé maître dans la manipulation par les mots.

Ce n’est pas un hasard. Cela procède de la volonté de la direction d’infléchir nos postures et nos pratiques professionnelles, d’induire des relations nouvelles entre agents et usagers, entre agents et encadrants. Les mots utilisés, répétés comme des leitmotivs, inlassablement rabâchés, martelés réunion après réunion comme pour les faire entrer de force dans nos têtes, finissent, si nous n’y prenons pas garde, par induire de nouveaux comportements.

Petit florilège, en plusieurs parties, des plus belles performances de Pôle-Emploi en matière de détournement de mots:

Nos prétendus « CLIENTS » …

      L’établissement n’a de cesse de dénigrer, de « ringardiser » le terme d’usager des services publics pour le remplacer par celui de « client ». Pas un jour où, à longueur de notes et de réunions, on nous assène du « client ». Cela va dans le sens d’une tendance autoproclamée « moderniste », mais en réalité ultra-libérale et profondément réactionnaire, qui a pour but le démantèlement du service public et des valeurs qui sont siennes, et son remplacement par les règles commerciales de l’économie de marché.

     Dans le service public de l’emploi, et en particulier à Pôle-Emploi  (Etablissement Public à caractère Administratif, rappelons-le), le terme de « client » est utilisé à tort et n’a tout simplement pas sa place : en effet, du Larousse au Robert, en passant par le Littré ou le Dictionnaire de l’Académie Française, tous les dictionnaires sans exception s’accordent à définir le client comme une personne qui reçoit d’une entreprise, contre paiement, des fournitures commerciales ou des services. Jusqu’à preuve du contraire, aucun des demandeurs d’emploi ni aucune des entreprises sollicitant nos services n’ont à s’acquitter du paiement d’une somme d’argent (c’est même plutôt le contraire…).

      Par ailleurs et surtout, le concept de « client » utilisé dans l’économie de marché aboutit inéluctablement à une classification, une distinction, entre les « bons » (le fameux « client en or ») et les « mauvais » clients ; les droits des clients sont proportionnels à leurs moyens financiers. Transposé au Pôle-Emploi, cela revient à dire que l’on différencie nos demandeurs d’emploi en fonction de leur « employabilité », et nos entreprises utilisatrices en fonction de leur potentialité de recrutement ; cela est discriminatoire et inacceptable (c’est malheureusement ce que cherche l’établissement à travers la notion de « segmentation » des portefeuilles demandeurs et entreprises, visant à différencier et à prioriser l’offre de service rendue…).

      Au contraire, l’usager de Pôle-Emploi, service public de l’emploi, terme noble et lourd de signification, est titulaire d’un droit d’usage qui lui garantie, gratuitement , une égalité de traitement entre usagers.

      Ne nous privons pas de remarquer, au passage, à quelle point la posture du Pôle-Emploi est absurde à l’égard de ceux qu’il s’entête à appeler à tort ces « clients » : radiations à grande échelle, suppression des services immédiats au profit des services programmés, renvoi quasi systématique sur les services à distance, sous-traitance aux opérateurs privés de placement, suspicion systématique et contrôles renforcés, convocations à des heures incongrues, etc.

Encore heureux que nos « clients » ne paient pas pour ça !

 Les prestataires:

(En relation avec le paragraphe « client » ci-dessus.)
Par un goût immodéré pour l’absurde, Pôle-Emploi appelle « partenaires » ou « prestataires » des fournisseurs de services dont il est… le client, mais sans jamais le dire…!!!
Bref : à Pôle-Emploi un vrai client n’en est pas un, mais un faux client (demandeur ou employeur) en est un.
Et un entonnoir sur la tête est-il un chapeau ?

« L’entreprise » Pôle-Emploi…

Lorsqu’il parle du Pôle-Emploi, notre Directeur Général n’a que le mot « entreprise » à la bouche. On parle de « projet d’entreprise » de la DG aux DR. S’il y a bien des Comités d’Etablissements en région, on parle de Comité Central d’Entreprise au niveau national. Au quotidien, tout est fait pour que les agents, et notamment les jeunes recrutés que l’encadrement essaie de formater au maximum, soient persuadés de travailler à Pôle-Emploi dans une entreprise comme une autre.

     Or Pôle-Emploi n’est pas une entreprise comme une autre : Pôle-Emploi est un service public, c’est-à-dire une activité exercée dans le but de satisfaire un besoin d’intérêt général, une demande sociale considérée comme devant être disponible pour tous, chaque usager bénéficiant du même droit d’usage.

     Selon la loi, cette mission d’intérêt général peut être exercée directement par l’autorité publique ou concédée à une entreprise privée qui se voit confier une mission de service public. En l’occurrence, même si les instigateurs de la fusion visaient bien une privatisation de fait, Pôle-Emploi s’est vu reconnaître Etablissement Public Administratif à la faveur d’un amendement parlementaire et d’une décision de justice ( bien que ses règles de gestion relèvent du droit privé et que 70% de son financement provient de l’association privée UNEDIC contre seulement 30% de l’Etat ). Notons au passage que lors de son audition par les sénateurs, Christian Charpy a commencé par affirmer que « Pôle emploi n’est pas, au sens juridique, un opérateur public puisque l’État finance seulement un tiers de son budget, l’essentiel des ressources provenant des partenaires sociaux », pour finir par dire que « en tant qu’opérateur public, nous devons contribuer à la réduction des effectifs » ( bref, du grand n’importe quoi … ).

     Travailler au sein d’un service public et d’un établissement public, quel que soit notre statut, nous confère des droits, des garanties et des devoirs particuliers. Nous devons d’abord considérer que nous avons en face de nous des usagers du service public et non des clients (voir tract précédent « client »). Notre mission est de délivrer un service, en toute neutralité par rapport à l’idéologie du pouvoir en place, et en garantissant les mêmes droits à chaque usager. En tant qu’agents investis d’une mission de service public, nous pouvons être poursuivis et condamnés pour tout acte contraire à la loi accompli dans l’exercice de notre activité professionnelle (ex : contrôle de l’authentification des pièces d’identité qui est totalement illégal, en dépit des directives données par notre direction). En particulier, les agents du statut public de 2003 se trouvent dans le périmètre du statut général des fonctionnaires qui dispose que « tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ».

La Convention Collective Nationale (CCN) de Pôle-Emploi…

     La Convention Collective Nationale de Pôle-Emploi, ratifiée le 21 novembre 2009 et entrée en vigueur au 1e janvier 2010 règle les rapports entre l’établissement et les salariés de droit privé qu’il emploie (salariés ex-RAC, salariés ex-AFPA, salariés du statut public 2003 ayant fait valoir leur droit d’option, et nouveaux embauchés).

     En droit du travail, on désigne par Convention Collective un texte définissant le statut des employés d’une branche professionnelle, d’une ou plusieurs organisations syndicales d’employeurs, d’une association d’employeurs, ou d’une entreprise ou d’un établissement lorsque le dirigeant appartient à une organisation patronale.

     En conséquence, le terme de Convention Collective appliqué au texte régissant les rapports entre Pôle-Emploi et ses salariés de droit privé a de quoi surprendre. Pôle-Emploi serait ainsi, à lui tout seul, une branche professionnelle ? Cela est tout à fait abracadabrant. A moins que la DG ait voulu anticiper, en prévision de prochaines créations de filiales ( la création d’agences spécialisées tous azimuts dans le cadre du programme REPERE en serait la première étape… ) qui, si elles se produisaient, seraient désastreuses de conséquences pour le service public de l’Emploi, les usagers, et les salariés de Pôle-Emploi …

Les Equipes de Production:

Nos ex AEP sont devenus des REP : Responsables d’Equipe de Production . Par extension nous sommes devenus des agents de production.

A travers ce changement d’appellation l’établissement ne saurait être plus clair : l’approche compréhensive de la problématique de nos usagers disparaît au profit d’une logique mécanique et productiviste du traitement du chômage dont le pilotage par les résultat est la pièce maîtresse.  CQFD…

« Conseil » et « Placement » ce n’est pas la même chose !

Après avoir vu le terme « usager » remplacé par celui de « client », et le « Service Public » quasi disparaître des « éléments de langage » employés par la direction, nous entendons  aujourd’hui de plus en plus nos encadrants remplacer le mot « conseil » par celui de « placement » (Et, à dessein, la direction utilise le terme « placement » dans un sens sensiblement différent de celui utilisé à l’origine dans les textes de loi ou les conventions internationales concernant le service public « de placement »…)

Ce n’est pas un hasard. Cela procède de la volonté de la direction d’infléchir nos postures et nos pratiques professionnelles, d’induire des relations nouvelles entre agents et usagers, entre agents et encadrants. Les mots utilisés, répétés comme des leitmotivs, inlassablement rabâchés, martelés réunion après réunion comme pour les faire entrer de force dans nos têtes, finissent, si nous n’y prenons pas garde, par induire de nouveaux comportements.

Les différences entre « Conseil » et « Placement »:

En terme d’objectif:
Le Conseil c’est:
-Favoriser l’accès à l’emploi et l’insertion professionnelle des DE
-Délivrer à l’usager le service public de l’emploi sur tous ses champs.
Le Placement c’est la sortie du DE des statistiques du chômage, coûte que coûte, et par tous les moyens (reprise d’emploi, radiations…)

En terme de principe:
Dans le Conseil, le conseiller est centré sur la demande de l’usager, à laquelle il applique son expertise, sans subir de pressions extérieures.
Dans le Placement, l’agent est exclusivement centré sur le marché du travail et les injonctions de l’institution.

En terme de posture:
Le Conseil repose sur l’empathie, le relation de confiance, l’écoute, le compréhension, la tolérance, la disponibilité.
Le Placement c’est le contrôle, la coercition, les sanctions, une activité centrée sur la lutte contre les fraudes.

En terme de champ d’intervention:
Dans le Conseil, l’appui et l’accompagnement de l’usager porte sur: l’aide et le conseil à la recherche d’emploi, à la formation et à l’orientation.
Dans le Placement, l’intervention de l’agent porte essentiellement sur la recherche d’emploi. Le droit à la formation et à l’orientation est minoré dans cette posture.

La place de l’usager:
-Dans le Conseil: le DE est considéré comme un usager: il est titulaire d’un droit d’usage, il est en droit d’attendre des prestations correspondant à celles d’un service public; l’usager est un « sujet » dans la relation établie avec le conseiller; le conseil s’applique de façon universelle, à tous les usagers; ce droit d’usage garantie une égalité de traitement entre usagers.
-Dans le Placement: le DE reçoit une attention en fonction de son employabilité, notion de segmentation, « client en or » (le plus proche de l’emploi)  sur lequel vont se concentrer tous les efforts, au détriment des autres; le candidat passe du statut de « sujet » à celui d' »objet »; le placement se concentre sur les DE les plus employables; il n’y a plus d’égalité de traitement.

Le glissement de la notion de » Conseil » vers celle de « Placement » et ses risques: 

-Offre raisonnable d’emploi (ORE), ses déviances et abus.
-Pilotage par les résultats / rémunération par les résultats…
-Recentrage de Pôle-Emploi vers les missions d’accueil et d’indemnisation; l’accompagnement et le placement étant confié au privé sur la base d’une délégation de service public (Recours massif aux opérateurs privés de placement).
-Marchandisation des demandeurs d’emploi. 

Le « nudging », la nouvelle technique managériale pour « inciter sans contraindre »…

Les « nudges », une technique de management terriblement dangereuse…

Nudge – « La méthode douce pour inspirer la bonne décision » est un livre écrit par Richard H. Thaler et par Cass R. Sunstein. Le livre se fonde sur des recherches en psychologie et en économie comportementale afin de défendre l’idée d’un paternalisme libéral et une ingénierie active dans le domaine de ce que les auteurs appellent l’« architecture du choix ».
Thaler et Sunstein ont choisi le terme de « paternalisme libéral » pour caractériser leur théorie. « Nudge » est un terme anglais qui signifie « coup de pouce » dans ce contexte, où il s’agit de pousser doucement dans la bonne direction. Ils définissent cette théorie comme « une version relativement modérée, souple et non envahissante de paternalisme, qui n’interdit rien et ne restreint les options de personne ; une approche philosophique de la gouvernance, publique ou privée, qui vise à aider les hommes à prendre des décisions qui améliorent leur vie sans attenter à la liberté des autres ». C’est une voie intermédiaire cherchant à orienter les individus vers leur bien en termes d’écologie, de santé et d’éducation, tout en essayant de limiter les contraintes et interdictions gouvernementales auxquelles les nudges viennent se substituer.

Une manipulation terriblement dangereuse !!!

Pour en savoir plus sur le NUDGING, cliquer ici

Pour lire un article du journal Libération sur les NUDGES, cliquer ici

Ne  nous laissons pas manipuler !

Ne laissons pas la Direction changer insidieusement les valeurs sur lesquelles repose notre métier !

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